L’étude de Wetechcare « L’inclusion numérique un investissement rentable » évalue que pour toucher l’ensemble des publics en demande d’accompagnement, il serait nécessaire de mobiliser plus de 26 000 aidants tout en formant plus de 10 000 acteurs sociaux. Salariés de la médiation numérique, bénévoles dans les associations de quartier, professionnels de l’accompagnement social ou encore services civiques, les options sont nombreuses. Nous avons voulu recueillir le point de vue de plusieurs acteurs clés directement concernés.
ENTRETIEN AVEC EMMANUEL VANDAMME,
PRÉSIDENT DE LA COOPÉRATIVE DE LA MEDNUM ET ENTREPRENEUR SOCIAL DU NUMÉRIQUE
Les Cahiers : Pouvez-vous nous présenter les missions de La MedNum ?
Emmanuel Vandamme : La MedNum a plusieurs missions : rassembler les acteurs qui interviennent dans le champ de la médiation numérique, depuis l’espace public numérique rural jusqu’au maker space urbain, leur fournir des outils communs, et les aider à monter ensemble des projets ambitieux, qui permettent une consolidation des modèles économiques. Nous vivons un moment clé, où les enjeux de construction d’une culture numérique commune n’ont jamais été aussi importants. La maîtrise des outils, des nouveaux espaces de socialisation et des pratiques sociales qui s’y inventent devient une condition nécessaire à la citoyenneté et à la réalisation de soi.
Nous sommes là pour faire converger les acteurs qui se reconnaissent dans cet enjeu. La forme coopérative nous permet d’associer toutes les parties prenantes : associations, entreprises, collectivités, sans oublier l’Etat qui est l’un des sociétaires fondateurs. Je vois la MedNum comme un commun, qui gère des ressources partagées au service d’une communauté ouverte, à travers une gouvernance coopérative.
LC : La MedNum est co-rapporteur du groupe de travail “Structurer l’offre de médiation et de formation” de la stratégie nationale d’inclusion numérique. Comment proposer une offre d’accompagnement au numérique sur les territoires ?
EV : L’objectif de la stratégie nationale pour un numérique inclusif est de mettre autour de la table les acteurs de la médiation numérique dans leur diversité pour proposer des solutions coordonnées au service des usagers.
Face à l’ampleur des besoins, nous n’avons d’autre choix que d’agir collectivement en créant des outils et un langage partagés. Si je prends l’exemple des cartographies de l’offre de service de médiation numérique, le besoin de mutualisation et d’économie d’échelles est évident : outre la cartographie nationale disponible sur le site NetPublic, chaque collectivité finance son outil, avec un référentiel de services et une solution technique différents. Le problème n’est pas tant que les cartographies soient locales mais il faut pouvoir les interconnecter, mettre en place une dynamique. Un outil partagé est un outil qui facilite les synergies de parcours usagers sur un territoire et entre les territoires. Nous voulons créer les biens communs de la médiation numérique.
LC : Comment voyez-vous les parcours d’accompagnement des citoyens en difficulté numérique ?
EV : Les parcours doivent être pensés dans la perspective d’inclusion sociale des individus dans notre société numérique, pas seulement pour répondre aux procédures administratives dématérialisées. L’usager qui a des besoins, des idées auxquels le numérique peut apporter une réponse, doit pouvoir acquérir des compétences numériques permettant la maîtrise d’outils autant que d’une culture numérique.
Un rapport d’Accenture pointait qu’avec le développement des voice-techs, la plupart des interfaces n’auraient plus d’écran d’ici à 2024. Cela changera la donne de l’accompagnement. Face à cela, les outils numériques changent, la culture numérique reste.
LC : De nombreuses structures ont recours à des « aidants numériques » en services civiques ou bénévoles. Comment cela questionne-t-il le travail des médiateurs numériques ?
EV : Aujourd’hui les besoins sont tels que chacun peut contribuer avec son statut et son approche. Les médiateurs numériques, dont le métier est de former, d’éveiller, d’accompagner l’acquisition de compétences numériques se mettent à faire de l’accès aux droits parce qu’ils sont sollicités là-dessus. Or ce n’est pas leur métier. D’un autre côté, l’accompagnement au numérique par les aidants ou les travailleurs sociaux nécessite des connaissances spécifiques sur la posture à adopter, une déontologie à respecter. La question n’est pas de mettre un terme à ce mouvement déjà engagé mais de l’accompagner afin que tout le monde soit sécurisé : les accompagnateurs comme les accompagnés.